Épron : un bout de machin sans queue, ni tête
La route D226b relie Épron à Hérouville-Saint-Clair. Il y a quelques mois, une courte portion de cette D226b, côté Épron, au carrefour avec la D7, a fait l’objet de longs travaux. On pouvait espérer que cette remise à plat faciliterait la vie des cyclistes. Mais, il n’en est rien : une fois de plus, les concepteurs ont démontré leur méconnaissance des règles et des besoins de la circulation à vélo. Un aménagement sans queue ni tête, une piste cyclable sans entrée ni sortie !
Un itinéraire de liaison pour les cyclistes
Cette itinéraires est l’une des grandes liaisons pour les cyclistes, d’autant qu’elle permet de relier deux équipements cyclables essentiels : la piste cyclable de la D7 (axe Caen – Douvres) et la voie verte Caen – Ouistreham (chemin de halage du canal). C’est aussi, et de plus en plus, un axe important pour les automobilistes, lorsqu’ils cherchent par exemple à échapper aux ralentissements du périphérique, ou du grand giratoire Côte de Nacre sur la D7.
De son côté, Épron urbanise la « rive droite » de la D7, au nord du Ganil, et les surfaces agricoles disparaissent entre Lébisey, Biéville-Beuville et La Bijude, au profit de zones commerciales et d’habitat, et donc d’un trafic accru. C’est dans le cadre de cette urbanisation que la D226b a été refaite.
Un aménagement cyclable « en dépit du bon sens »
Certes, et c’est rare, la loi a à peu près été respectée puisqu’un aménagement cyclable a été réalisé à l’occasion des travaux. Rappelons en effet que depuis 1998 et la « loi sur l’air », tous les travaux de voirie en agglomération doivent donner lieu à la création d’aménagements cyclables (loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996). Mais, hélas, cet aménagement est fait en dépit du bon sens.
Sur une centaine de mètres, la route a donc été entièrement refaite. Bordée au nord par des maisons sur un côté, elle en a été éloignée par un trottoir assez large, joliment pavé, et une bande de végétation. Les riverains s’étant empressés d’utiliser le trottoir pour y stationner leurs véhicules, celui-ci est de fait impraticable. La chaussée a été élargie et revêtue d’un beau bitume noir et lisse : les voitures s’y croisent sans problème sur deux larges voies, et peuvent y rouler plus vite qu’avant.
Côté sud, un espace revêtu de pavés de deux teintes différentes a été créé, un étage au-dessus de la chaussée. Des logos au sol, incrustés dans le pavage et peu visibles, permettent quand on s’approche de comprendre que l’espace clair est une piste cyclable bidirectionnelle, et l’espace foncé un trottoir. Entre les deux sont plantés des candélabres, et, aux carrefours, de nombreux petits potelets à l’utilité énigmatique, si ce n’est de constituer de dangereux obstacles pour les cyclistes un peu distraits.
Ce qui pourrait être amélioré pour les prochaines fois :
- En zone urbaine, une piste bidirectionnelle n’est pas l’aménagement le plus pertinent. La piste cyclable, par définition séparée de la chaussée (ici par une bordure), est difficile à rejoindre ou à quitter pour qui ne veut pas l’emprunter sur toute sa longueur. Bidirectionnelle, elle ajoute des traversées (et donc du danger) pour qui circule « à contre sens ».
- Largeurs non respectées. Une piste cyclable bidirectionnelle doit avoir une largeur minimum de 3m, exceptionnellement 2,50 m. Un trottoir doit avoir une largeur minimum utile d’1,40m. C’est la règle, et elle n’est pas respectée.
- Séparation des flux. Une piste cyclable située au niveau du trottoir doit être physiquement séparée de celui-ci, pour permettre aux personnes malvoyantes de se repérer, et pour éviter les conflits piétons/vélos. Il y a ici une séparation visuelle mais non tactile : ce n’est pas réglementaire.
- La signalisation de police est presque inexistante : on ne voit que des panneaux de « fin de piste », au milieu de l’aménagement, avant une traversée de rue. On peut craindre une mise en cause des cyclistes en cas d’accident. Un piéton renversé par un cycliste pourra prétendre que c’est un trottoir, aucun panneau réglementaire ne signalant un début de piste. De même, un cycliste en conflit avec un automobiliste au carrefour pourra se voir reprocher de circuler à contresens (plus de piste dans le carrefour : il faudrait « logiquement » traverser et reprendre la chaussée…)
- Mais le plus étonnant est que cette piste est presqu’impossible à rejoindre ou à quitter ! Depuis Hérouville, on doit traverser et monter sur le trottoir sans aménagement, et, au bout, il est impossible de rejoindre la piste de la D7 vers Caen, tandis que, vers Douvres, aucun rappel des feux n’est visible, ce qui met l’usager en danger. Depuis Caen, et après avoir parcouru la centaine de mètres de cet aménagement, le revêtement s’interrompt brutalement, et, après avoir contourné un panneau publicitaire, on se retrouve sur un terre-plein engazonné, puis devant une clôture protégeant un profond bassin de rétention des eaux pluviales … Et oui : le raccordement de la nouvelle chaussée a été fait, mais la piste n’a pas d’issue !
Alors ? Un coup pour rien ?
C’est pire : certains automobilistes ont bien repéré là quelque chose qui devrait leur permettre de voir les cyclistes écartés de leur trajectoire. Aussi, depuis l’ouverture de ce petit tronçon, et malgré une chaussée plus large qu’avant, les cyclistes qui ne circulent pas sur ce bout de machin sans queue ni tête doivent subir leur mauvaise humeur, et se trouvent dans une situation plus risquée qu’avant…